lundi 30 avril 2012

Fête foraine

Le déjeuner avalé assez tôt ce vendredi 13 avril, on demande à nos loupiots normands - appelons les Charles et Léonie - en vacances en Lorraine sans leurs parents  de se préparer.
- Chaussures de ville, petite veste, il fait beau et il ne doit pas pleuvoir.
- On va où ?
- A Nancy, mais c'est une surprise ! On peut juste vous dire qu'on verra la ville de très haut !
Les gamins enfin prêts (ha, ces lacets...) et zou... en voiture Simone et c'est parti ! Pardon, Simone si tu me lis.
- Ouaaaah ! s'exclame Léonie émerveillée par la vue sur la vallée de la Moselle qui se dévoile quand on arrive à Sexey-aux-Forges !
- On va aller en avion ? suggère Charles.
Arrivés par Villers-les-Nancy, on domine la cité, immense, tout en bas de la côte.
- On monte en haut d'une tour ? imagine Léonie à la vue de la tour panoramique, sur la colline en face.
- Vous n'y êtes pas, mais vous saurez bientôt.
- Nous arrivons par la rue de la Ravinelle pour nous garer un peu plus loin, en zone "longue durée", derrière Saint Sigisbert. Le passage le long de la fac de droit laisse entrevoir un bout de la fête, et surtout, la grande roue.
- Ça y est, je sais. Les yeux de Charles pétillent, un sourire apparait sur ses lèvres.
La "foire" de Nancy (je préfère l'appeler "fête") est une longue tradition. Déjà, quand nous étions étudiants, nous lui sacrifions une soirée entre copains au beau milieu de la période de révisions. La fête avait alors lieu en mai.
Pourtant, son côté clinquant et bruyant, la foule, n'est pas du tout le genre de truc que j'aime. Mais j'ai des souvenirs émerveillés de la foire du Trône quand j'avais 4-6 ans. Le gros boa de Marffa la Corse nous terrorisait ma sœur et moi. Les lutteurs qui affrontaient les badauds téméraires nous fascinaient. Nous avions droit à un tour de manège de chevaux de bois. Une tentative sur la chenille fut pour moi une catastrophe. Nous avions droit aussi à un morceau de guimauve. C'était souple et poisseux, ça avait un goût de violette. Aucun rapport avec les machins spongieux et mous qu'on vend de nos jours sous le même nom. C'était coupé à la longueur souhaitée par le confiseur avec des ciseaux. On adorait ! Mais surtout, on rentrait à la maison avec, accroché au cou, un cochon en pain d'épices décoré de sucre rose, jaune, bleu et marqué à notre prénom. On préférait le laisser rassir plutôt que de le dévorer et il passait la semaine bien en vue sur la cheminée de notre chambre juste amputé des pattes et du museau.
La foire du Trône, c'était géant. C'était à deux pas de chez nous
Nous avions donc décidé de conduire nos petits-enfants voir une grande fête comme ils n'en avaient jamais vue, même si la fête de Nancy n'arrive pas à la cheville de la foire du Trône.
Consignes...
- La fête, c'est une machine à vider rapidement les porte-monnaie ! Inutile de réclamer quoi que ce soit. On fait déjà un tour dans les allées pour regarder les manèges, puis vous aurez le droit de monter dans la grande roue. Pour le goûter, vous aurez une gaufre comme vous n'en avez jamais mangée.
- Moi je veux une barbe-à Papa...
- Désolée, Léonie, ce sera une gaufre, mais tu verras, tu ne seras pas déçue...
Si j'avais proposé une barbe à papa, je suis sûre qu'elle aurait préféré... une gaufre ! C'est contrariant un gosse de 6 ans !
Nous déambulons donc entre les métiers. Les manèges à sensation les effraient !
- Non, on n'a pas envie d'aller là-dessus !
Chose étrange, ils n'osent rien réclamer.
Nous voici tous les quatre dans la grande roue. Assis dans la nacelle en face de nous, les voici, admirant la ville qui s'éloigne et se rapproche. Nous sommes tout en haut quand la roue marque un arrêt le temps de charger les nacelles diamétralement opposées à la notre. Le temps parait long et Charles cramponnés au montant n'a pas l'air très rassuré.
Puis c'est l'heure des gaufres... la machine pour les cuire est bien jolie !
Ils dégusteront, assis sur le banc des papas-mamans d'un manège pour tout-petits, petit morceau par petit morceau, que je leur distribue comme un oiseau qui donnerait la becquée à ses oisillons. Les gaufres Meire, c'est fragile et croquer dedans revient inévitablement à en perdre la moitié qui tombe à terre. J'en ai déjà fait la triste expérience.
Léonie déguste, sourire aux lèvres, l'air un peu rêveur, regardant les gens qui passent. Oubliée la barbe à papa ! Les gaufres supplémentaires sont embarquées dans leur boite en carton portant l'inscription "les gaufres Meire se conservent indéfiniment" !
Mon œil ! Ce n'est pas comme le petit cochon en pain d'épices : elles seront dévorées en rentrant.
Sur le chemin du retour, Léonie serait bien tentée d'être enfermée dans une bulle flottante et Charles regarde les jeux d'adresse - fléchette, tir à la carabine - avec une pointe d'envie.
- On va jusqu'à la place Stan' ?
- Ho oui ! Et on verra le spectacle ?
- Ben non, le spectacle, ce sera pour cet été.
En attendant, assis sur les lices devant la boutique Daum, le spectacle aura été celui d'une troupe de pigeons se querellant pour un morceau de gaufre...