vendredi 14 juin 2024
Nuits de pleine lune au cloître
lundi 13 février 2023
Jeunes bretonnes
mardi 6 décembre 2022
La véritable légende de Saint-Nicolas (2ème version)
Un jour, alors qu'il cuvait sa vinasse en se tordant sous les crampes de son estomac, il fut plus excédé que d'habitude par les cris de ses trois filles qui se chamaillaient comme de coutume !
- Allez donc, leur hurla-t-il, chercher quelques épis dans les champs moissonnés à côté d'la forêt. Au moins, vous serez utiles à quelque chose.
Réjouies par la perspective d'une belle équipée estivale, les "chiardes" s'esbaudirent dans la campagne, cueillant fleurettes ici et là, et se goinfrant de mûres et de framboises sauvages, mais oubliant de glaner aux champs. La nuit les surprit de l'autre côté de la colline. La plus petite se mit à trépigner, la seconde à beugler comme un veau, quant à la plus grande, scrutant l'obscurité, elle aperçut une lueur dans un village inconnu.
Elles frappèrent à la porte où apparut un gros boucher rougeaud à l'air jovial.
- Boucher, boucher, voudrais-tu bien nous loger ? minaudèrent-elles.
- Entrez, entrez, dit le boucher, j'ai de la place assurément !
Tandis que les donzelles se réchauffaient avec une bonne soupe au chou agrémentée d'un morceau de lard salé comme elles n'en avaient jamais mangé, elles se confièrent :
- Boucher, boucher, père boit plus qu'il ne faut, mère nous frappe de son gourdin : pourrais-tu bien nous garder ?
- Dans mon saloir, il y a de la place, assurément. La pièce est grande. À votre faim, serez nourries, mais vous n'en sortirez… Votre père ici ne vous trouvera point.
Sept ans plus tard, Saint-Nicolas, égaré en Lorraine sur le chemin de Myre, s'en vint frapper chez le boucher.
- Boucher, boucher, pourrais-tu bien me loger ?
- Entrez, entrez, dit le boucher, y'a de la place assurément.
Le boucher ouvrit la porte du grand saloir afin de quérir un morceau de choix pour son hôte. Saint Nicolas s'étonna du ronflement qui en sortait et reluqua, curieux, dans la pièce. Il y découvrit trois jeunes filles bien dodues et grassouillettes qui dormaient béatement entre saucisses et jambons. Elles s'éveillèrent aussitôt s'étirant toutes trois comme des chattes alanguies.
La première dit : "j'ai bien dormi !" La seconde "et moi aussi !". "Je me croyais encore au paradis", dit la benjamine.
- Je suis le grand Saint-Nicolas, sur chemin de l'Asie mineure.
- Grand Saint-Nicolas, s'exclama le trio ! Pouvons-nous vous suivre vers les terres lointaines, et échapper ainsi aux cris de notre père et aux bastons de notre mère ?
- Venez, venez, à l'Orient, il y a de la place assurément !
Ce que le saint n'avait pas prévu, c'était que les gamines étaient du genre insupportable, ne cessant de se chamailler et de se taper dessus. Sa vie devint un enfer, ce qui, pour un saint homme, est évidemment inconcevable. L'aînée voulait toujours commander, la seconde pleurnichait sans cesse, qu'elle était fatiguée de marcher et avait soif, et la plus jeune n'était supportable que lorsqu'elle avait dévoré une tarte aux mirabelles, tant et si bien que Nicolas devait miraculeusement faire pleuvoir le fruit doré dans des contrées où il ne poussait pas, ou lorsque la saison ne s'y prêtait pas.
Arrivé à Constantinople, l'évêque chercha comment se débarrasser des trois mômes. L'idée lui vint de mettre les chipies dans un baquet de bois.
- Entrez-y, pour vous trois, y'a de la place assurément.
Puis il lança l'esquif dans la mer.
On se demande encore par quel mystère l'embarcation se retrouva en Lorraine, en de multiples exemplaires, après avoir dérivé pendant des siècles, C'est pourquoi on trouve une statue du grand saint bénissant trois lardons cherchant à s'extraire d'un baquet… et que Saint-Nicolas est devenu patron des jeunes filles et des voyageurs !
lundi 29 août 2022
Les 3 desserts
– Dans huit jours, je vais chercher ma troisième épouse, annonça Djamal à Samia après de sublimes ébats conjugaux. J'y suis obligé si je veux tenir dignement mon rang. C'était notre dernière nuit d'amour. Néanmoins, comme je t'aime plus que la favorite, je te laisse une chance : si tu parviens à ravir mes papilles et à m'étonner avec un dessert inattendu, je renoncerai à ma décision. Tu as une semaine devant toi. En attendant, je partagerai ma couche avec Shéhérazade.
Déjà folle de jalousie envers celle-ci, il n'était pas question pour Samia d'accepter l'arrivée d'une nouvelle épouse dans le harem. Elle consulta Internet, éplucha maintes recettes et jeta son dévolu sur des mochis dont la recette trouvée sur marmiton.org paraissait simple et inratable. Elle avait eu beaucoup de mal à se procurer les ingrédients à l'exception du thé. Ses mochis étaient moches, mais elle se dit qu'ignorant à quoi ressemblaient les originaux, Djamal les trouverait à son goût.
– Qu'est cela ? l'interrogea-t-il en grimaçant à la vue des friandises.
– Un dessert japonais, le régal de l'empereur du pays du Soleil Levant.
"Si c'est un délice pour un éminent souverain, pensa-t-il, ça doit être exquis". Mais à peine eut-il avalé une bouchée, qu'il faillit s'étouffer avec la pâte de riz gluant trop épaisse.
Rouge de colère, mais compatissant au désespoir de sa seconde épouse, il lui donna une nouvelle chance.
– Je t'accorde 24 heures pour me surprendre et titiller mon palais.
– Qu'est cela ? l'interrogea-t-il en voyant des petits gâteaux joliment placés en rond sur un plat d'argent autour d'une coupelle en cristal remplie d'une crème blonde.
– Ce sont des madeleines, le régal du roi de Pologne. Au milieu, c'est un entremets aromatisé à la bergamote.
Elle s'abstint de dire que Stanislas, le monarque, avait été déchu et chassé de son pays.
Djamal croqua dans une première madeleine dépourvue de bedaine, laquelle, bien que trempée dans la crème, était trop cuite et dure comme la selle de son meilleur chameau. Il y laissa 2 dents. Samia n'étant guère habituée à utiliser son four sophistiqué, elle n'avait pas su maîtriser la cuisson.
– Je te donne une dernière chance, mais cette fois, tu ne disposes que de 12 heures.
– Qu'est cela ? Hormis la taille, cela n'a rien d'original, pesta-t-il en voyant l'énorme dôme de semoule très artistiquement orné de cannelle et de raisins secs. Dès demain, je pars aux confins du pays pour revenir avec la belle Marjane. Fraîche comme une fleur de mandragore, elle vient tout juste de fêter ses 13 ans. Il faudra lui faire bon accueil au sein du sérail.
– Ceci n'est pas un seffa ordinaire, goûte-le, je suis sûre que tu seras surpris.
Djamal roula dans ses doigts une portion de couscous avant de le porter à sa bouche. Sitôt qu'il l'eut avalée, il tomba du sofa où il était assis, s'affalant sur le tapis. Ce qu'il n'avait pas soupçonné, c'est que la cuisinière avait dissimulé des extraits de belladone, et bien que celle-ci n'ait aucun goût, elle avait ajouté de la cannelle en excès afin d'être certaine de dissimuler sa présence.
Son forfait accompli, Samia s'enfuit avec Farid, l'eunuque chargé de veiller sur le sérail. Bien qu'émasculé, il n'en était pas moins homme et aimait en secret la jolie brune aux mains ornées de délicats motifs tracés au henné. Il savait comment l'honorer, sans risquer, évidemment, de la mettre enceinte. Ils parvinrent en France après avoir traversé la Méditerranée sur un rafiot de fortune. Samia savait que dans ce pays, la polygamie était prohibée, cela lui laissait la certitude d'être l'unique femme de Farid.
Ce dernier fut engagé dans la capitale comme ripeur. Samia, trouva un emploi dans une pâtisserie de Belleville.
– Qu'est cela ? demanda Farid quand il ouvrit un carton regorgeant de petits gâteaux.
– Ce sont des religieuses, des éclairs et des kouign amann. Les Parisiens en raffolent. Le chef m'a dit que certains sont des étouffe-chrétiens, mais vu que nous sommes musulmans, nous ne craignons rien.