mardi 31 décembre 2013

Le Carnet de Guerre d'un Soldat Lorrain

Pierre Pénin, jeune homme de Moyenvic, est enrôlé comme il se doit dans l'armée allemande lorsque commence la première guerre mondiale en 1914. Il est alors âgé de 24 ans.
Moyenvic, village situé en Meurthe avant l'annexion, fait alors partie de la province allemande " Elsaß-Lothringen" et sera intégré à la Moselle en 1918.
Peut-être est-il un cousin, puisque Madeleine Pénin (1817-1851) repasseuse, née et morte à Moyenvic, était la mère de mon arrière-grand-père. Une tante de Papa habitait encore à Vic-sur-Seille lorsque celui-ci fit son service militaire à Morhange. Il en garda toujours le souvenir amusé du grisant petit vin de Vic que la tante Jeanne Pénin lui offrit à boire un jour de permission !

Notre Pierre, dont le carnet de guerre a été édité en 2013 par l'association Chemins faisant, décrit de façon relativement laconique ses 4 années de guerre, à côté de "camarades" boches qu'il haïssait et qui le haïssaient. Ses seules impressions décrivent essentiellement le froid, la fatigue et la faim et parfois, avec plus d'émotion, la nostalgie de son village lorrain.
Les trois premières années se passent à combattre en Russie, puis, de retour en France après le retrait du conflit de la Russie, son régiment est engagé face aux Anglais dans les combats de Flandres et la bataille d'Armentières. Blessé à la jambe il utilise ensuite une astuce dentaire pour prolonger son éloignement du front.

Son carnet se clôt sur cette simple phrase : " En novembre, la guerre est terminée".

Le livre est agrémenté d'une grande quantité de photos et, en annexe, de divers documents.



jeudi 4 juillet 2013

METZ, Reflets d'époque


   "Quand le présent se mêle au passé...
Thierry Schoendorf vous invite à une déambulation unique dans le Metz d'hier et d'aujourd'hui. Au fil des pages, vous voyagerez dans le temps grâce à un travail iconographique hors du commun. Sur une même et seule image, les époques se mélangent, les siècles se confondent. Les clichés, surprenants, montrent plus de cent ans de culture, de constructions et d'évènements fusionnés.
   Les photographies sont accompagnées de textes de deux passionnées de belles lettres, de la poésie et de l'histoire de la cité messine : Bérangère Thomas, présidente des Amis de Verlaine à Metz, et Micheline Montagne, secrétaire du prix littéraire toulois Moselly."

Préface Philippe Brunella, directeur du musée de la Cour d'Or.

Le quartier était-il infesté de rats
Pour qu'ainsi on le rasât ?
Ce faubourg populaire
Et multi centenaire
Méritait-il démolition
Plutôt que restauration ?


Extrait du livre METZ, Reflets d'époque


Éditions Alan Sutton
Ouvrage disponible sur Metz à la librairie Payot à la gare, la librairie Hisler-Even, la FNAC, au musée... Sur Internet : éditions Sutton, boutique Généanet, FNAC, Amazon...


jeudi 16 mai 2013

Qui voit Groix...


Pour nous, Lorrains, aller à Groix signifie traverser la France et franchir ensuite un petit bout de mer.

Le bateau a été réservé, il s'agit de ne pas le rater. Il faut compter huit à neuf heures de route suivant l'option de trajet, sans compter les arrêts et les imprévus. Nous avons donc pris l'habitude de prévoir une marge très large. De ce fait, il nous arrive d'être très en avance et parfois de pouvoir changer notre billet pour une traversée plus précoce. Si c'est généralement possible pour les passagers, ce n'est pas toujours le cas pour la voiture, surtout en période d'affluence. Cette fois, nous avons décidé de rouler de nuit. Nous espérons ainsi une circulation moins dense et surtout moins de camions. Comme nous partons après diner, nous n'aurons pas à chercher un endroit pour manger. Il fait doux en ce tout début de juillet. Le solstice d'été étant à peine passé, le soleil couchant éclaire un long moment l'horizon en face de nous. Il disparait peu à peu derrière les collines, illuminant le ciel de ses feux pourpres, orangés et dorés. On dit que la route est dangereuse entre chien et loup. Néanmoins, le chauffeur est prudent et cela permet de s'habituer progressivement à la nuit qui s'étoile progressivement. Simple passager, je n'ai pas besoin de guider le pilote, il connait bien la route. Je résiste néanmoins à l'assoupissement qui m'envahit en écoutant les émissions tardives de France Inter ou un CD de musique celte parmi lesquels Loreena McKennitt a mes préférences, mais que je sacrifie au profit de Carmen plus tonique. Des arrêts réguliers vident nos vessies et la thermos de café. Un fruit, une madeleine ou une barre de céréales constituent nos modestes agapes. Je lutte pour que mes yeux ne se ferment pas, culpabilisant si je m'endors, faussant ainsi compagnie à mon voisin. Ma nuit est entrecoupée de demi-sommeils et de moments d'éveils que je m'efforce de prolonger. Le petit matin est le moment où il m'est le plus difficile de lutter contre les paupières lourdes. Je devine soudain le ciel qui pâlit et blanchit lentement derrière nous, tandis que les étoiles, s'éteignent l'une après l'autre.

Je me souviens avec amusement notre premier voyage nocturne, il y a une trentaine d'années. Nous avions chargé la voiture prévoyant un départ tôt le lendemain matin. Les enfants étaient tout excités à l'idée du départ et il faut reconnaitre que nous aussi. Nous avions déjà diné. Et si nous partions ce soir ? Nous étions prêts et éviterions ainsi de perdre du temps aux réveils laborieux des uns ou des autres, aux toilettes même rapides, aux petits-déjeuners-vaisselle-lits à faire ! Mon conjoint aime conduire de nuit. Il prit simplement le temps d'un repos. Les enfants furent ravis de cette décision, même si le plus jeune âgé de 2 ans et demi ne l'exprima pas, car il ne parlait pas encore. Serrés tous les trois sur la banquette arrière, les enfants, dormirent peu et je me joignais aux aînées pour expliquer au benjamin que Papa allait mettre l'auto dans un bateau et qu'on allait traverser la mer. Notre surprise fut grande lorsqu'enfin, il prononça ses premiers mots par cette phrase, dite sur un ton de lasse irritation : "mais che sais, che sais tout ça !". Phrase restée dans la mémoire familiale dont que je ne suis pas sûre que ça amuse l'auteur quand, pour la énième fois, nous racontons l'anecdote à quelqu'un qui ne la connait pas !

Ce matin, nous sommes le 4 juillet 2010. Nous voici en vue de Lorient. Je dois guider mon conjoint, car depuis la dernière fois, l'embarcadère pour Groix a changé d'emplacement. Mais le trajet vers la gare maritime est bien fléché et les panneaux sont bien visibles. Nous trouvons assez facilement une place sur le parking voisin où la plupart des véhicules sont immatriculés ailleurs que dans le Morbihan. Nous y avons rendez-vous à cet endroit avec notre fille, qui arrivera de Normandie avec son conjoint et ses deux enfants.
Cependant, nous sommes très en avance. Nous envisageons de prendre un petit déjeuner quelque part sur les quais. Nos sommes un peu engourdis par le manque de sommeil qui nous fait ressentir davantage la fraicheur du petit matin dans la ville encore endormie. Le thermomètre affiche pourtant une nette remontée après une descente sous la barre des 10°C au meilleur de la nuit. Nous trouvons enfin un bar qui ouvre tout juste ses portes dans un quartier que nous ne connaissions pas ! Le café et les croissants frais, c'est à dire chauds et croustillants, sont les bienvenus ; les collations prises régulièrement durant le voyage ne nous ont pas coupé l'appétit. Nous avons encore quelques longues minutes à perdre. Nous marchons dans la ville déserte, jetant un œil régulièrement sur notre montre. Après avoir traversé le parc derrière le palais des congrès, nous flânons un peu sur le quai des Indes, à contempler les quelques bateaux de plaisance stationnés dans le petit port.
L'heure approchant, ne rejoignons le parking sur lequel notre fille ne tarde pas à arriver. Nous entassons tous les bagages dans notre voiture qui sera la seule à faire la traversée.


La billetterie enfin ouverte, nous pouvons échanger nos billets qui nous permettront de prendre le premier bateau du matin. Mon conjoint avance sa voiture dans une place réservée à l'embarquement et reste au volant. Mes petits-enfants quelque peu excités ont besoin de se dégourdir les jambes après leur voyage d'environ 4 heures. Ils courent en tous sens dans la gare et il devient rapidement nécessaire de les calmer. La nouvelle gare maritime à de vagues airs d'aéroport, avec son couloir vitré menant au quai. Nous avançons dans la file d'attente clairsemée. Le courrier, un grand bateau blanc, arrive de Groix et décharge de rares passagers, Groisillons travaillant à terre, ou venant pour quelques courses ou quelque rendez-vous à Lorient. Pas de touristes. Les employés de la compagnie maritime déchargent et chargent du matériel nécessaire à la vie de l'île, tandis que nous avançons et pénétrons dans le bateau, tenant fermement les deux enfants par la main. Nous montons sur la plateforme pour regarder les autos s'introduire dans le bateau, faisant à Grand-papa un coucou qu'il ne voit pas. Je songe aux chargements d'autrefois dans des bateaux beaucoup moins modernes. La manœuvre était délicate et périlleuse. On ne rentrait pas comme maintenant par l'arrière du bateau largement ouvert et très facile d'accès mais par le côté, franchissant une de passerelle en bois destinée à rectifier le dénivelé du quai en pente. Il fallait ensuite manœuvrer dans la cale où se rangeaient bien serrées un petit nombre d'autos, guidées par les employés de la compagnie qui les arrimaient ensuite fermement. Le camion de ravitaillement restait quant à lui à l'air libre au milieu de palettes et de conteneurs. Je songe avec mélancolie à l'Île de Groix ce rafiot, dont on peut voir la maquette au musée de Groix, qui nous mena sur l'île, mes six camarades et moi en avril 1969. C'était à l'occasion d'un stage d'une dizaine de jours, l'île ayant un grand intérêt géologique et minéralogique. La révélation de ses secrets était encore à ses balbutiements. L'Île de Groix avait du cachet avec sa coque noire et sa coursive au ras de l'eau où nous grelottions, assis sur la banquette.
À l'Île de Groix, seul bateau qui faisait alors la traversée, succédera de grands bateaux blancs, de plus en plus grands, de plus en plus modernes, mais pas spécialement de plus en plus beaux... Le Jean-Pierre Calloch tournera en même temps que le vieil Ile de Groix puis il y aura le Kreiz er Mor et enfin le Saint Tudy qui fait aujourd'hui la navette en même temps qu'un Ile de Groix quatrième du nom. De quelques voitures, on est passé à un chargement d'une trentaine de voitures et de 300 à 450 passagers. De quoi dégorger un flot envahissant de touristes et surtout d'automobiles en période estivale. Groix en août est sans comparaison avec Groix en avril surtout une quarantaine d'années plus tard.


La traversée, nous la ferons bien entendu à l'air libre afin d'observer la mer que l'on ne peut voir que par l'arrière du navire-courrier. Nous essayons de garder précieusement notre place sur le bord du bastingage. Pas question de s'assoir sur les banquettes, encore moins d'aller en cabine. Malgré le manque de sommeil, nous pourrons bien rester debout durant la petite heure de traversée, à observer le spectacle qui s'offre à nous.
Le ronflement des moteurs s'accélère et une fumée noire s'échappe soudain par la cheminée. La porte de la soute est relevée. Les amarres larguées, le bateau s'éloigne imperceptiblement de la jetée et s'engage dans la rade, ria formée par la confluence du Scorff et du Blavet. Le phare de la compagnie des Indes, sentinelle de la ville, se fait bientôt tout petit et disparait. Juste en face, de vieux navires militaires rouillés finissent leur vie en délimitant un havre où quelques voiliers de plaisance sont au mouillage. Le Saint Tudy avance paisiblement, offrant à notre vue des quais dont les activités sont trahies par les silhouettes fantasmagoriques, sur fond de silos géants, de grandes grues bleues en attente d'un navire à décharger. J'y ai vu accostés des cargos géants fraichement vidés comme en témoignait la ligne de flottaison bien au dessus du niveau de l'eau, énormes, aux vieilles coques rouillées (les navires de commerce ne sont pas toujours bien entretenus), battant pavillon peu connu, aux noms parfois illisibles, en lettres cyrilliques ou grecques. Il n'y en a pas un seul à quai ce matin et le port de commerce semble bien mort. Passé le port de pêche, apparait l'ancienne base sous-marine Keroman, formidable blockhaus de béton. Les sous-marins ont quitté Lorient depuis longtemps pour l'ile longue ou pour Toulon. Lorsqu'elle était encore en activité, je me plaisais à imaginer qu'un sous-marin puisse passer sous notre bateau, et que peut-être, je pourrais apercevoir la tourelle de l'un d'entre eux au ras de l'eau, ce qui bien sûr n'arriva jamais. Je ne suis d'ailleurs pas certaine que la profondeur de la rade à cet endroit autorise leur immersion ! Nous croisons quelques petits voiliers qui doivent éviter, parfois avec maladresse, le sillage de notre bateau, ou à défaut, être chahutés par celui-ci. Un denier port de tourisme s'étire sur notre droite - je devrais dire tribord. Le bateau fraye son chemin entre des balises colorées dont j'ignore les codes. À bâbord, la citadelle de Port-Louis veille sur la passe étroite qui ferme la rade. Des goélands juchés au sommet de chaque échauguette, véritables sentinelles vivantes, nous regardent passer avec une relative indifférence. Passé Larmor avec sa plage de sable fin au dessus de laquelle se détache la silhouette du clocher et celle du château d'eau, l'océan d'un bleu intense, s'ouvre devant nous. J'ai une sensation étrange en laissant derrière moi le continent. Sensation bizarre également à l'idée de toute cette eau sous mes pieds et de ce qu'elle peut contenir.
Arrivé dans la Basse des Bretons, le navire prend de la vitesse. Dans les Courreaux, on a parfois la chance d'apercevoir quelques marsouins que le capitaine signale aux passagers. Souvent fugaces, ils s'ébattent en surface, jouant joyeusement dans le sillage du navire, puis disparaissent dans un plongeon collectif. On peut voir des bateaux de toutes tailles, simple barque avec à bord un pêcheur à la ligne solitaire, voilier élégant, bateau de pêche, gros cargo attendant au mouillage le droit d'entrer dans la rade.

Nous croisons par tribord l'Ile de Groix, un bateau presque aussi laid que son comparse, si tant est qu'un bateau puisse être laid. Grands signes de la main auxquels les rares passagers répondent. L'île, longtemps masquée devant nous par la cabine du bateau, n'apparait que tardivement. Juste le temps d'entrevoir la plage des Grands Sables au loin et les falaises bordant Port Tudy, que les moteurs réduisent leur rythme. Le bateau corne pour annoncer son arrivée, avec un "la" que mon neveu imitait à la perfection avec sa clarinette. Nous pénétrons lentement dans le port... phare-balise vert à tribord, rouge à bâbord. Les passagers s'agglutinent déjà dans l'escalier métallique, pressés d'évacuer le navire dès l'ouverture des portes. Les premières voitures débarquent déjà sur le port par le côté. Sur la jetée, une file de voyageurs attendent l'embarquement à destination de Lorient. Mais personne pour nous accueillir à terre comme c'était jadis la tradition. Nous serons seuls à la maison où nous revenons pour la première fois depuis le décès de Jean. Cela fait neuf ans. Cet été là, c'étais la dernière fois qu'on le voyait, il devait nous quitter six mois plus tard. Personne donc sur le quai où les images, fidèles, me reviennent à l'esprit. Le sourire de mon beau-frère et de ma belle-sœur, celui de leurs quatre enfants que l'on trouve inévitablement changés depuis la dernière fois, leur bonne mine à laquelle l'air marin et le soleil ne sont pas étrangers. Non, cette fois, on se retrouve tout bêtes sur la terre ferme, avec encore dans les jambes la sensation des vibrations des moteurs.



Lorient-les grues du port de commerce


Port-Louis


Larmor-plage


Entrée du Saint-Tudy à Port-Tudy


Tandis que les hommes et les enfants vont à la maison décharger la voiture bien encombrée, ma fille et moi nous "montons" à pied avec pour mission de réserver au passage à la crêperie pour le repas de midi. La pente est rude pour arriver au bourg et rares sont les cyclistes qui la montent sans mettre pied à terre. Nous constatons au passage que le bar Ty Beudeff a repris du service mais que sinon, rien n'a changé.
Comme Paule n'officie plus dans la coquette crêperie derrière la poste, notre repas sera réservé "chez Sandrine" qui lui succède un peu plus loin. Le soleil est haut dans le ciel et il fait déjà chaud. Nous quittons le bourg en longeant le lavoir, obliquons sur Clavezic, puis sur la gauche à la patte d'oie. Passé un lavoir dans les fougères, nous tournons sur la droite, évitant Kerdurand. Le hameau de Kerlobihan est à droite, juste avant Kerlobraz. Les noms de quelques directions étaient jadis peints en blanc sur la route. Il y a même encore une vieille borne Michelin à Pradino. Nous découvrons avec amusement une nouveauté : l'indication des directions, distances et durées joliment peintes sur de gros cailloux. Cette marche est un agréable avant-goût des vacances. Quand nous arrivons à la maison, les valises sont déjà déchargées. La clef était bien à l'endroit prévu, sous le pot de fleurs au pied des marches d'une amie groisillonne. Chacun installe ses pénates. Nous, dans la chambre réservée aux invités, les enfants à l'étage, au grenier-dortoir, parents d'un côté, enfants de l'autre. Nous ouvrons grand toutes les fenêtres afin d'éliminer l'odeur de renfermé résultant de trois mois d'inoccupation depuis les vacances de Pâques. Nous faisons le tour de la propriété, guettant à l'intérieur comme à l'extérieur le moindre changement depuis notre dernier séjour. Ainsi, le bateau n'est plus dans la courette, le puits a été consolidé. Un garage a été construit pour ranger le matériel encombrant : tondeuse, matériel de pêche, barbecue... Un lave-vaisselle est apparu dans le coin cuisine.

Cette maison, Jean l'avait achetée en 1970. Je lui avais fait tant d'éloges de l'île qu'il y était venu et en était tombé aussitôt amoureux. Il avait alors facilement trouvé à acheter à bas prix cette maison de pêcheur dont l'aménagement intérieur était totalement à refaire. Y avait sacrifié plusieurs années de vacances pour en faire un lieu de séjour convivial, coquet et confortable.

Nous avons douze jours devant nous pour profiter des vacances, du soleil qui ne nous fera guère défaut sinon pour une grosse averse bien mouillante le 14 juillet, alors que mon fils nous aura rejoints pour le week-end, Pour profiter de la mer qui, ma fois, n'est pas si froide que nous en avions souvenir, à condition d'entrer dans l'eau le plus rapidement possible. Les enfants vont découvrir les joies du sable fin dans le calme du matin, des vagues qui viennent détruire les châteaux ornés de coquillages, de plumes blanches et de fucus. Découvrir les plaisirs des longues promenades dans toute l'ile l'après-midi, à parcourir la lande, les rochers, les hameaux aux maisons basses couvertes d'ardoises violettes, les sentiers ombragés dans les vallons débouchant sur des criques désertes juste après un lavoir isolé, les petits concerts au dessus de Locmaria où les musiciens avaient réussi l'exploit d'amener un piano, les couchers de soleil à Pen Men, une crêperie à l'occasion. Apprendre aussi les dangers de la mer et de la côte sauvage aux falaises abruptes battues par des vagues traitres.


Plage des Grands Sables




Le thon au clocher du Bourg

Kerlivio

Pointe de Pen Men

Phare de Pen Men
(4 éclats blancs groupés puis 25 secondes)


Et puis un jour, il faut bien que cela finisse, fermer la maison, déposer la clef chez l'amie à Kerlo, reprendre le bateau et regarder depuis l'arrière du Saint Tudy, derrière le sillage du bateau, s'éloigner le port avec ses bateaux multicolores. L'ile se fait de plus en plus petite derrière nous et je souris en évoquant la remarque de ma nièce qui croyait que l'ile flottait sur l'océan...

HATOUP !



Gwen ha du

Nous n'y sommes pas retournés depuis lors mais il reste les souvenirs, les nombreuses photos que j'ai prises sans modération et quelques modestes croquis.

Pointe des Chats

jeudi 25 avril 2013

La micheline Metz-Batilly (3/3)




Le soir, je sors du lycée vers 18 heures. Je fais cette fois seule le chemin jusqu'à la gare, mon amie ayant la chance d'avoir un train beaucoup plus tôt que moi qui ne dispose que d'un aller et retour quotidien. Après avoir contourné la grande poste par la place Mangin, il faut traverser la vaste place de la gare. La pendule de la tour accuse une avance de deux petites minutes. J'ai du temps devant moi et même si je me déplace assez machinalement, je ne prends pas de risques en croisant le flot de circulation où se mêlent autobus, taxis et voitures particulières. Le passage piéton central, matérialisé par de larges bandes peintes en jaune; mène droit au grand hall des départs. C'est à peine si je prête attention au "kôlossal" bâtiment aux allures de cathédrale romane. Les voyageurs pressés venus des quatre coins de la ville y pénètrent en ordre dispersé par une large entrée aux lourdes portes toujours ouvertes. Je m'attarde au kiosque de la presse, cherche au tourniquet le livre qui m'aidera à faire passer plus vite le trajet du retour. Les modestes "Livres de Poche" ou "J'ai Lu" sont une création récente facilement accessibles à mon argent de poche. Il m'arrive exceptionnellement de céder à la tentation d'une revue, d'un "Salut les Copains" dont je commence à me lasser. J'enfouis mes achats dans mon gros sac déjà bien lourd ; toujours indécise, j'achète rarement un seul ouvrage ! Je me dirige vers le quai où l'autorail attend en silence. L'absence de chauffage rend plus âcres les odeurs de tabac froid et de sueur. Je m'installe près d'une fenêtre, de préférence en sens contraire de la marche car j'aime voir le paysage s'enfuir à l'arrière du train. La banquette revêtue de simili cuir beige est un peu dure et je dois me caller au fond de mon siège pour ne pas que mes genoux touchent ceux du passager qui s'installe en face de moi. Le moteur se met soudain à ronfler, les lumières hésitent au plafond et la bouche de chauffage souffle un air froid sur mes pieds. Le wagon se remplit petit à petit. Mon voisin déploie le Républicain Lorrain ; de l'autre côté du couloir central, un passager s'affaire dans un gros dossier posé sur ses genoux ; un autre allume une cigarette qui dégage de jolies volutes au dessus de nos têtes avant de se disperser et de se mêler à la fumée d'autres fumeurs. L'odeur aromatique du tabac clan se mêle avec harmonie à celle du menthol d'une cigarette blonde donnant au wagon une ambiance de salon. L'autorail s'est empli progressivement quand soudain les portières claquent ; un sifflement résonne sur le quai qui s'éloigne doucement. Il est exactement 18 heures 45. Un ciel étoilé succède à la verrière. Les lumières de Metz illuminent la nuit. Le train accélère et atteint bientôt sa vitesse de croisière ponctuée de quelques grincements au passage des aiguillages.

Nous circulons sous les mêmes tunnels que le matin mais derrière les fenêtres du wagon la vue sur la ville dans la nuit est bien différente de celle du matin. Au triage du Sablon, les silhouettes sombres des trains de marchandises immobiles sont comme de grosses chenilles fantomatiques. Voici la Moselle à nos pieds, sombre et inquiétante, reflétant la micheline dont les éclairages glissent en contrebas sur l'ombre noire du pont. L'autorail ralentit et s'arrête à Longeville puis à Moulin dont les gares sont mal éclairées par une ampoule souffreteuse protégée par un simple abat-jour blanc écaillé. Sur le quai, leur chef de gare annonce d'une voix brève le nom de la localité. Quelques voyageurs qui avaient à peine eu le temps de s'installer descendent, avalés par l'obscurité. Chassé croisé de voyageurs à Châtel-Saint Germain où les travailleurs messins échangent leurs places avec les ouvrières de Zambetti. Le démarrage est parfois délicat et la micheline doit s'y prendre à deux fois avant de réussir son départ dans un violent crissement d'essieux et un dégagement d'une fumée épaisse et noire par la cheminée. Nous remontons le vallon dans la forêt sombre qui renvoie dans les vitres obscures le reflet trouble de mon visage. Cahin-caha, nous franchissons le dernier pont qui enjambe la route nationale et surgissons sur le plateau. Sur la route qui longe la voix ferrée, les voitures aux phares jaunes dépassent le train qui ralentit. Les lueurs du village apparaissent derrière le passage à niveau baissé. J'entrevois les lumières de notre maison et plus particulièrement celles de la cuisine où Maman doit préparer le repas. Il est 19 heures 15.
Je me couche vers minuit, après avoir fait mes devoirs, terminé le chapitre du livre commencé dans le train, et non sans avoir chipé dans le frigo une rondelle de saucisson arrosée d'un verre... de lait cru.

oOo

Le samedi, je quitte le lycée à midi et je dois encore me dépêcher pour attraper la micheline de "midi" ! Arriver essoufflée sur le prestigieux quai numéro un pour y voir l'arrière du train tout au bout du quai est exaspérant. Mais j'ai alors tout loisir d'admirer tranquillement le fameux quai, d'en descendre calmement les marches de granite rose aux parois ornées d'entrelacs et de m'attarder dans la salle des pas perdus. Je dispose de quatre heures pour trainer en ville avant de prendre un autocar des Rapides de Lorraine à la gare routière, place Coislin ! Le plus sûr serait de manger à la cantine du lycée, à Barbot, mais comme je n'ai aucune camarade pour m'y tenir compagnie, toutes ayant davantage de trains vers leur domicile, j'y renonce. Je préfère me hâter entre le lycée et l'arrêt de l'avenue Joffre pour y attraper l'autocar qui démarre de la gare routière à l'heure exacte où la sonnerie du lycée retentit. C'est alors une course contre la montre, assez facile à gagner, à condition de quitter la classe au premier retentissement du signal, avec l'autorisation préalable du professeur.

oOo

La ligne Batilly-Metz a finalement bel et bien été remplacée par un service routier et sa voie est en partie déferrée. Le tronçon entre Châtel-Saint Germain et Amanvillers a été aménagé en voie verte où le ballast grossier constitue encore localement un mauvais revêtement. Les petites gares qui se ressemblaient toutes ont subi des sorts différents. Certaines ont été vendues et transformées en coquettes maisonnettes dans un environnement où l'on devine à peine leur vocation initiale. À Amanvillers, un lotissement a fait place au site ferroviaire méconnaissable.
Mais la vieille dame respectable qu'on appelait "micheline" reste le symbole d'un transport populaire dont les anciens usagers évoquent le souvenir avec mélancolie. Je fais partie de ces gens !

La micheline Metz-Batilly (2/3)



Entre Batilly et Amanvillers, la voie ferrée traverse le plateau calcaire. Nous sommes en plein territoire minier. D'ailleurs chez nous, on entend parfois le grondement sourd de l'exploitation d'une galerie sous nos pieds ce qui fait dire à Papa qui ne manque pas d'humour que "si on n'a jamais créé un tribunal à Amanvillers, c'est parce qu'on ne peut pas juger les gens sur la mine !" Moi, j'imagine avec effroi les mineurs sous mes pieds, creusant avec leur pioche pour extraire la minette !
La voie ferrée quitte le plateau dès la sortie d'Amanvillers. Après avoir longé l'ancien quai de chargement d'une vieille carrière édifié en belles pierres de taille, elle s'engouffre dans la charmante vallée de Montvaux, boisée et encaissée, permettant de dévaler un peu plus de cent mètres de dénivelé pour atteindre la plaine où Metz s'étale le long de la Moselle comme une reine couronnée de sa cathédrale. Je somnole sous l'effet de la chaleur qui règne dans le wagon. La buée sur les fenêtres voile le paysage qui émerge lentement dans l'aube bleutée. Je suis bercée par le brouhaha diffus des conversations des passagers se racontant leur week-end, le film qu'ils ont vu la veille sur l'une des deux chaînes de télévision ou commentant la rumeur selon laquelle la ligne Batilly-Metz serait remplacée prochainement par un service d'autocars.
La forêt se fait soudain moins dense. Nous longeons un petit étang. La micheline ralentit puis marque son premier arrêt. La gare et le village Châtel-Saint-Germain sont situés sur la droite. Quelques femmes travaillant dans la fabrique de pâtes Zambetti descendent ici et, en été, des saisonniers ramasseurs de fraises. Quelques places assises sont ainsi libérées pour les nouveaux venus. Le paysage est ensuite plus urbain. Des maisons et des jardins paisibles au pied du mont Saint Quentin, dont les pentes viennent mourir le long du ballast, défilent lentement derrière les fenêtres, baies dont on peut ouvrir la partie supérieure en été en la coulissant vers les bas, permettant l'entrée d'un peu d'air frais.
Les passagers qui montent à Moulins/Scy-Chazelles puis à Longeville doivent se contenter de voyager debout. Ces deux petites gares ressemblent à s'y méprendre à celles d'Amanvillers et de Châtel, distinguables seulement par leur nom qui s'étale en lettres blanches sur une enseigne émaillée de couleur bleue. La même côté rue et côté quai. À Longeville, quelques véhicules attendent la levée des barrières du passage à niveau sur la route nationale 3, voie de la Liberté venant de Verdun. Après cette dernière halte, la voie ferrée décrit une large courbe vers la droite.

A cet endroit, nous rejoignons la ligne électrifiée à deux voies qui contourne Metz par l'ouest. C'est en sa compagnie que nous traversons côte à côte la Moselle sur un grand pont de pierre au parapet de béton ajouré. Avec un peu de chance, il est possible parfois de voir passer en contrebas quelque péniche chargée de céréales, de sable ou de ferraille. Les trois voies parallèles se faufilent ensuite entre les arches d'un pont métallique permettant de franchir un bras plus étroit de la rivière. Une courbe ample vers la gauche nous fait pénétrer dans l'agglomération messine que nous abordons à vitesse réduite. Notre voie abandonne ses voisines en les franchissant par un saut de mouton pour rejoindre la gauche, se perd parmi d'autres voies, longe la gare de triage du Sablon. J'aperçois sous mes yeux endormis, ici une rotonde, là un gazomètre, plus loin, un poste d'aiguillage... On peut voir des trains de marchandises, convois hétérogènes composés de wagons en bois, de trémies, de plateaux vides ou bâchés, de wagons chargés de voitures neuves... Une grosse locomotive diesel verte et jaune passe solitaire, une autre pousse sur un plan incliné un wagon marchandise qui glisse, seul, pour former un convoi avec d'autres wagons qu'il rejoint en contrebas. Des ouvriers travaillent sur le ballast. Les essieux grincent au passage des embranchements. La micheline ondule alors bruyamment, secoue ses passagers somnolents comme pour leur signaler que l'arrivée est imminente. Un express nous double, filant sur une voie électrifiée. Le Sablon est un vaste théâtre dont le spectacle fascinant me tire de ma torpeur.
7 heures 15. L'arrivée en gare de Metz se fait tout en douceur et la micheline s'arrête sous la grande marquise.
"- Metz - Metz - Ici Metz ! Tous les passagers descendent de voiture ! Correspondances pour... "
L'annonce à peine audible dans les haut-parleurs se perd en résonnant sourdement sous la voûte ! Les voyageurs qui doivent prendre un bus de ville se hâtent pour sortir les premiers. Pour ma part, je ne suis pas pressée de me retrouver dans le courant d'air qui s'engouffre sous la verrière. Sur le même quai, un autre train vient juste de s'arrêter et crache son flot de voyageurs venant du nord de Metz. Tout le monde se précipite dans l'escalier et se retrouve dans le sombre et large souterrain, véritable fleuve où confluent les passagers d'autres trains. A l'extrémité, les contrôleurs dans leur guérite vitrée collectent les billets ou vérifient les cartes avec attention, créant un énorme bouchon. Je suis enfin dehors à l'air libre après avoir traversé le hall d'arrivée sur lequel je ne jette qu'un regard distrait ! Il fait jour maintenant. L'air est vif dans le petit matin et sur la place venteuse, je prends le temps de remonter la fermeture éclair de ma parka. Sur le trottoir, m'attend une amie venue de Woippy. Nous traversons ensemble le quartier impérial, contournant la poste centrale d'un côté ou de l'autre suivant notre humeur, pour nous rendre au lycée de filles, place Maud'huy, où nous sommes autorisées à entrer avant les autres élèves. Une salle mise à notre disposition nous permet de réviser les leçons du jour, de terminer un devoir ou de partager le dernier Astérix. Auparavant, nous avons fait une étape à la boulangerie de l'avenue Leclerc où un "Schnecke" exquis complète le petit déjeuner un peu trop léger que j'ai avalé avant de partir.

La micheline Metz-Batilly (1/3)


Récit (1er prix du concours ADPFL 2012)


Je cours à toute vitesse en direction de la gare...

Comme chaque matin, j'ai juste eu le temps d'avaler le bol de thé et la biscotte beurrée que Papa a préparés pour mon petit déjeuner, d'enfiler mon manteau et d'empoigner mon gros sac de demi-pensionnaire. Je dévale les escaliers, claque la porte vitrée qui se plaint de ma violence et me retrouve propulsée dans la fraîcheur matinale de la rue mal éclairée par quelques vieux lampadaires.

Nous sommes au milieu des années 60. J'habite au premier étage d'une petite maison, ancienne gare d'Amanvillers il y a très longtemps, réhabilitée au rez-de-chaussée en bureau de Poste. Sur la façade, une pancarte en bois bleu porte l'inscription "Postes et télécommunications", nouvelle dénomination succédant aux "Poste Télégraphe Téléphone" détournés par dérision en "Petit Travail Tranquille". Travail qui consiste pour Papa à se lever très tôt six jours sur sept pour recevoir les fonds et le courrier, à quitter son bureau à l'heure du diner après avoir terminé sa comptabilité, ayant dû entre temps satisfaire les mesquineries d'une administration tatillonne et les récriminations de clients grincheux. Un quai longe encore l'arrière du bâtiment qui donne sur une voie désaffectée. Sur le même quai, un entrepôt inoccupé attise ma curiosité mais je n'ai jamais réussi à entrevoir, entre les planches de bois disjointes des portes, qu'un hall irrémédiablement vide. Dès le début de l'annexion de la Moselle, les Allemands avaient construit une imposante gare douanière de l'autre côté des voies. Elle fut détruite en septembre 1944, lors de la bataille de Metz. Pour la remplacer, la nouvelle gare s'est installée... à l'emplacement de l'ancien bureau de poste. J'habite donc à la Poste, ancienne gare et prend chaque jour le train à la gare, ancienne Poste.
Tout cela ne me préoccupe pas ce matin alors que je cours pour attraper le train de 6 heures 45. Bien qu'il serait plus rapide et plus court de traverser les rails, c'est hors de question mais je ne jurerais pas ne l'avoir jamais fait. Pour atteindre la gare, il faut donc franchir le passage à niveau, puis longer la route nationale menant à Saint-Privat avant de pénétrer dans la gare par l'entrée principale. Là, le chef de gare vérifie les billets pour laisser les passagers franchir la porte d'accès au quai. Comme nous ne sommes pas très nombreux à prendre le train au village, il nous connaît tous et, sachant bien ceux qui sont en règle, jette un regard distrait à nos titres de transport ! Les lycéens ont un abonnement annuel matérialisé par deux cartes glissées dans une pochette à deux volets en plastique vert imitant vaguement la peau de lézard. L'une justifie du droit annuel et de l'identité du bénéficiaire ; l'autre est remplacée à chaque échéance trimestrielle. Les travailleurs ont une carte hebdomadaire dont ils détachent à chaque trajet un ticket rose marqué en grosse lettre noire de l'initiale du jour.
Normalement, les barrières sont encore levées quand j'arrive au passage à niveau. Le chef de gare ne les baisse que lorsque la micheline qui vient de Batilly est déjà à quai. Et quand je sors de la maison, l'autorail émet dans le lointain un retentissant "tiu-tiuuu" comme pour dire aux voyageurs "me voilà, préparez-vous !" et apparaît après le virage, à l'entrée du village. Si nous ne sommes pas très en avance et que le train est en vue, nous ne faisons pas le détour par la gare et arrivons directement par le quai. Tolérant, le chef de gare "ferme" les yeux car ça l'arrange bien, lui évitant de perdre quelques instants précieux à vérifier les billets de quelques retardataires au moment où le train entre en gare et s'immobilise le long du quai en freinant bruyamment.

Ce matin, je suis donc particulièrement en retard. Je cours à perdre haleine mais lorsque que je parviens au passage à niveau, les barrières sont déjà baissées. Le chef de gare, fier dans son uniforme sombre avec sa casquette digne de celle d'un pilote de l'air, vient juste de souffler violemment dans son sifflet et de lever le "guidon de départ", feu vert autorisant le conducteur du train à prendre le départ. La micheline a déjà franchi lentement les premiers mètres, quand, me voyant lever le bras avec désespoir, son chauffeur stoppe sa machine qui grince avant de s'immobiliser, arrêtant son élan juste avant le passage. Les deux wagons de l'autorail rouge et crème sont presque pleins à l'arrivée à Amanvillers, surtout le lundi. J'aime beaucoup l'autorail Picasso ou tout autre vieux modèle qui laisse la vue libre sur l'avant. Je monte essoufflée dans le premier wagon, un peu honteuse. Le chef ferme la portière derrière moi en la claquant d'un coup sec, puis manœuvre la poignée qui émet un cliquetis sonore. Un coup de sifflet retentit dans un roulement strident. Le chef brandit en direction du mécanicien le signal autorisant à nouveau le départ de la machine.
Je dois avouer que je ne suis pas très matinale, aussi, prendre le train à 6 heures 45 est un défi quotidien. Pourtant, je le rate très rarement. Tandis que je m'installe sur le seul strapontin libre, je me dis que cette fois, j'ai attrapé l'autorail in extremis et n'aurai donc pas recours au transporteur du courrier postal. En effet, dans ces cas là, monsieur M*** me prend en charge à bord de son tube Citroën. Ce n'est pas très légal mais monsieur M*** est un homme serviable et le bureau de poste de Papa étant le dernier de sa tournée, son véhicule ne transporte plus de marchandise précieuse. Nous arrivons à Metz beaucoup plus tôt que le train. Mon chauffeur providentiel me dépose devant la gare déserte avant de se rendre au centre postal de la gare situé tout à côté, derrière la monumentale poste centrale.