jeudi 17 mars 2011

La terre a tremblé !

La terre a tremblé…
Il s'est levé tôt ce matin, comme de coutume ; sur son radio réveil, le journaliste égrenait les nouvelles du jour
La terre a tremblé…
Il a pris son petit déjeuner, comme d'habitude, tout en lisant son journal quotidien
La terre a tremblé…
Puis d'un pas tranquille, il est sorti dans la rue, accompagné de son vieux chien
La terre a tremblé…
Bonjour, Jules ! Bonjour madame Germaine !
Ha oui ! La terre a tremblé…
Il est entré au café du coin, a commandé son habituel petit crème
Salut, Louis !
T'as vu ? La terre a tremblé…
La journée s'est écoulée, tranquille, égrenant ses habitudes immuables
La baguette à la boulangerie du coin
La sieste au fond du canapé
Le loto au tabac du quartier
L'autre promenade du chien
Le soir, il a allumé son téléviseur
Regardé les images qui tournaient en boucle
La terre a tremblé…
Là-bas, de l'autre côté de la terre !
Il s'est couché de bonne heure, comme d'habitude
Et dans ses insomnies nocturnes, il a pensé au chien, au petit crème, à Germaine, au loto
La terre a tremblé…
Tout là-bas, au Japon !
C'est loin le Japon…
De l'autre côté de la terre
Où la terre a tremblé…

dimanche 13 mars 2011

Verdun (3/3 - Back home)

Retour à la réalité et à l'air frais après une rapide visite à la bibliothèque du mémorial. Nous y avons retrouvé nos amis avec qui nous avons un peu bavardé devant les canons. Ils étaient étudiants à Paris I (Sorbonne) en relations internationales. Ils venaient de Shanghai et étaient donc chinois. Le garçon était en France depuis 3 ans et préparait un master et la fille, qui maitrisait à peine moins bien le français que lui, n'était en France que depuis 2 ans. Elle avait d'abord passé un an à Clermont-Ferrand, "ville au calme propice à se concentrer sur ses études" !
Le jeune homme a souhaité immortaliser notre rencontre par une dernière photo prise sur le parvis… Lorsqu'ensuite ils nous ont demandé ce qu'il y avait à voir d'intéressant dans le coin, nous avons été assez embarrassés ! Que conseiller aux alentours de Verdun à deux étrangers à pied voulant prolonger leur séjour d'une journée ? J'ai pensé à l'Argonne, mais la forêt, en cette saison… au musée de la faïencerie de Rarécourt et au village de Beaulieu... Nous n'étions pas plus convaincus qu'eux.
- Pourquoi pas Metz, juste un peu plus loin…
- mais comment y aller depuis Verdun ?...
- Sommes-nous bêtes : pourquoi pas Nancy ? Toul où l'on va n'est pas très loin, on peut vous y conduire ! Proposition acceptée. Nous ferons la route en leur compagnie, témoins de leurs étonnements tout au long du trajet. La nuit épaisse n'est éclairée que par les pâles lumières de quelques villages dispersés en Woëvre.
- C'est très rural ! De quoi vit-on ici ? Qu'y cultive-t-on ? Y a-t-il des commerces ? Comment les habitants s'approvisionnent-ils ? Y a-t-il des écoles ?
En échange, nous avons un peu parlé de leur pays, dont le revenu moyen de quelques 300 euros mensuels (à Shangaï) ne suffit pas à un loyer d'étudiant à Paris… Ils ne paraissaient pas être issus de milieu trop défavorisé, mais ils devaient travailler pour compenser l'absence de bourse d'études. Le garçon avait enseigné en banlieue parisienne, trouvé l'accueil de ses collègues français pas très cordial, les parisiens pas toujours très sympathiques, le métro à peine moins désagréable qu'en Chine avec les mêmes bousculades, les mêmes gens pressés, indifférents les uns aux autres.

Il était un peu plus de 19 heures quand nous les avons déposés devant la gare de Nancy où ils souhaitaient échanger leur billet de train. Nous leur avons simplement indiqué la place Stanislas et les quartiers à visiter, les endroits où se restaurer, du plus gastronomique au plus modeste et ils ont ri sur mon évocation du restau U. Les spécialités lorraines semblaient les intéresser et ils ont pu vérifier sur leur mini ordinateur à quoi ressemblait une quiche Lorraine ! Sur la possibilité éventuelle de visiter un musée, nous leur avons conseillé le musée Lorrain : ce qui a valu leur approbation. J'ai supposé que pendant le trajet, ils avaient fait quelques recherches sur leur iPhone car ils ne nous ont pas posé plus de questions. Il faut reconnaitre qu'avec la technologie actuelle, ce genre d'expédition est bien moins hasardeuse qu'elle ne l'aurait été il y a quelques années. Je me demande s'ils n'ont pas diné à l'Excelsior : leur admiration bien que discrète lorsque nous avons fait le tour de la place Thiers pouvant le laisser supposer !

Peut-être que si notre séjour à Paris avait été prévu moins bref, nous aurions eu l'occasion de les y revoir ! Nous nous sommes excusés, ils n'ont pas insisté !

Dawei et Xiaolei ont inscrit leurs noms et signé la page de garde de "Orages d'Acier" acheté à l'ossuaire…

dimanche 6 mars 2011

Verdun (2/3 - Wood cross, iron cross)

J'avais cru que la forêt de Verdun ne serait que forêt et que je retrouverais celle, familière, plaisante même parfois, que j'avais arpentée carte en mains pour le compte de l'ONF il y a près de quarante ans. Je l'avais aussi tant de fois fréquentée dans mon enfance, quand, débarqués dans un village de Meuse, nous emmenions famille et amis parisiens visiter ces hauts lieux historiques. Nous y allions parfois même ramasser des escargots ou des champignons.

Il n'en fut rien.

Premier arrêt au carrefour de la chapelle Sainte Fine ; le lion de Souville y a moins fière allure que son cousin de Belfort. Quelques cyclistes sont passés sur la route, avant de disparaitre dans la brume, s'interpellant joyeusement.



Second arrêt à Fleury-devant-Douaumont, un des villages "mort pour la France". Nième visite. Aussi émouvante que si c'était la première. Difficile de ne pas imaginer les nombreuses fermes avec leur lot de poules et de canards en liberté picorant la boue des usoirs ; l'école avec ses écoliers turbulents regardant la neige tomber à gros flocons derrière les hautes fenêtres ; le curé sonnant l'angélus de midi en tirant sur la grosse corde… Toutes ces images se sont évanouies dans la froidure du vent, ne laissant à notre vue qu'une assez vilaine chapelle au milieu de ruelles fantômes, cabossées, herbeuses, hérissées de vieux épicéas et de quelques arbres fruitiers encore dénudés. À l'exception de quelques pierres éparses, les panonceaux "EXPLOITATION AGRICOLE-BAUERHOF-FARM", "BOULANGER- BÄCKER-BAKER", "TISSERAND-WEBER-WEAVER", "PLOMBIER, KLEMPER-PLUMBER", "ÉCOLE-SCHULE-SCHOOL" y sont les seuls témoins du passé.

Douaumont ensuite.


Toutes ces croix blanches et bien alignées ont rapidement éveillé la vision du champ de bataille dont il reste encore les trous d'obus emplis d'eau, les tranchées qui serpentent mollement entre les épicéas ou les pins, le sol bosselé hérissé çà et là de vieilles ferrailles ou jonché de barbelés rouillés. J'ai alors entrevu l'image de tous ces hommes jeunes dont tout espoir a été stoppé net dans une tranchée boueuse, dans un fort glacial, dans une sape torride, dans un assaut aussi désespéré que fou…
Douaumont n'a pas trop changé depuis mon enfance. Un nouveau monument en hommage aux combattants musulmans a poussé en symétrie du monument à la mémoire des soldats juifs et devant la nécropole, une nouvelle plaque commémore la présence de Mitterrand et Helmut Kohl main dans la main en signe d'une ultime réconciliation, espérée, souhaitée, théâtrale mais néanmoins sincère.

Bref, des pensées confuses tournaient dans ma tête tandis que nous traversions le cimetière pour nous rendre à l'ossuaire. C'est alors que nous avons été interpelés par deux jeunes personnes dans lesquelles nous avons reconnu les deux touristes asiatiques du matin. Ils étaient à pied et voulaient voir un village détruit. Après une brève incursion dans l'ossuaire en travaux où j'ai fait l'acquisition du livre Orages d'acier d'Ernst Jünger qui manquait gravement à ma culture, nous avons conduit jusqu'à Fleury les deux jeunes gens à qui nous avions fixé rendez-vous sur le parking. Ils devaient prendre à la gare de Verdun un train pour Paris. Nous avions largement le temps de visiter le mémorial avant de les y conduire ; n'étions-nous pas venus dans ce but ? J'en avais les quelques souvenirs lointains d'une première visite il y a une vingtaine d'années pour avoir, en tant que parent d'élève, accompagné les enfants de mon village lors d'une sortie scolaire. A* faisait partie du lot. Je m'étais promis de revenir car à l'époque, il était plutôt question de surveiller les gosses que de contempler le contenu des vitrines. Je les découvrais quasiment donc. La reconstitution d'un champ de bataille au centre du musée m'avait alors étonnée. Ce fut aussi le cas pour les gamins. Cette fois, elle m'a paru artificielle et décevante, tout comme la présence trop obscure des deux avions. Quant aux vitrines, alignées sur deux nivaux, elles présentent une juxtaposition émouvante d'objets français et allemands placés côte à côte dans une cohabitation définitive et pacifiste. L'exposition temporaire présentait des œuvres d'écrivains et de poètes soldats en 14/18 dont certains sont morts au combat. Nous avons enfin assisté à la projection du film "In Mémoriam" où se mêlent documents d'archives et images contemporaines dans une évocation bouleversante et bien faite avec illustration sonore de documents d'archives et de la marche funèbre d'une quelconque symphonie familière mais dont le nom du compositeur refuse de quitter le bout de ma langue. En lieu et place de générique défile un bilan sinistre de chiffres, dates, blessés, morts, villages détruits… Seule la lourde extrapolation aux conflits contemporains dans laquelle la France est encore engagée m'a parue autant hors sujet que partisane !