J'avais cru que la forêt de Verdun ne serait que forêt et que je retrouverais celle, familière, plaisante même parfois, que j'avais arpentée carte en mains pour le compte de l'ONF il y a près de quarante ans. Je l'avais aussi tant de fois fréquentée dans mon enfance, quand, débarqués dans un village de Meuse, nous emmenions famille et amis parisiens visiter ces hauts lieux historiques. Nous y allions parfois même ramasser des escargots ou des champignons.
Il n'en fut rien.
Premier arrêt au carrefour de la chapelle Sainte Fine ; le lion de Souville y a moins fière allure que son cousin de Belfort. Quelques cyclistes sont passés sur la route, avant de disparaitre dans la brume, s'interpellant joyeusement.
Second arrêt à Fleury-devant-Douaumont, un des villages "mort pour la France". Nième visite. Aussi émouvante que si c'était la première. Difficile de ne pas imaginer les nombreuses fermes avec leur lot de poules et de canards en liberté picorant la boue des usoirs ; l'école avec ses écoliers turbulents regardant la neige tomber à gros flocons derrière les hautes fenêtres ; le curé sonnant l'angélus de midi en tirant sur la grosse corde… Toutes ces images se sont évanouies dans la froidure du vent, ne laissant à notre vue qu'une assez vilaine chapelle au milieu de ruelles fantômes, cabossées, herbeuses, hérissées de vieux épicéas et de quelques arbres fruitiers encore dénudés. À l'exception de quelques pierres éparses, les panonceaux "EXPLOITATION AGRICOLE-BAUERHOF-FARM", "BOULANGER- BÄCKER-BAKER", "TISSERAND-WEBER-WEAVER", "PLOMBIER, KLEMPER-PLUMBER", "ÉCOLE-SCHULE-SCHOOL" y sont les seuls témoins du passé.
Douaumont ensuite.
Toutes ces croix blanches et bien alignées ont rapidement éveillé la vision du champ de bataille dont il reste encore les trous d'obus emplis d'eau, les tranchées qui serpentent mollement entre les épicéas ou les pins, le sol bosselé hérissé çà et là de vieilles ferrailles ou jonché de barbelés rouillés. J'ai alors entrevu l'image de tous ces hommes jeunes dont tout espoir a été stoppé net dans une tranchée boueuse, dans un fort glacial, dans une sape torride, dans un assaut aussi désespéré que fou…
Douaumont n'a pas trop changé depuis mon enfance. Un nouveau monument en hommage aux combattants musulmans a poussé en symétrie du monument à la mémoire des soldats juifs et devant la nécropole, une nouvelle plaque commémore la présence de Mitterrand et Helmut Kohl main dans la main en signe d'une ultime réconciliation, espérée, souhaitée, théâtrale mais néanmoins sincère.
Bref, des pensées confuses tournaient dans ma tête tandis que nous traversions le cimetière pour nous rendre à l'ossuaire. C'est alors que nous avons été interpelés par deux jeunes personnes dans lesquelles nous avons reconnu les deux touristes asiatiques du matin. Ils étaient à pied et voulaient voir un village détruit. Après une brève incursion dans l'ossuaire en travaux où j'ai fait l'acquisition du livre Orages d'acier d'Ernst Jünger qui manquait gravement à ma culture, nous avons conduit jusqu'à Fleury les deux jeunes gens à qui nous avions fixé rendez-vous sur le parking. Ils devaient prendre à la gare de Verdun un train pour Paris. Nous avions largement le temps de visiter le mémorial avant de les y conduire ; n'étions-nous pas venus dans ce but ? J'en avais les quelques souvenirs lointains d'une première visite il y a une vingtaine d'années pour avoir, en tant que parent d'élève, accompagné les enfants de mon village lors d'une sortie scolaire. A* faisait partie du lot. Je m'étais promis de revenir car à l'époque, il était plutôt question de surveiller les gosses que de contempler le contenu des vitrines. Je les découvrais quasiment donc. La reconstitution d'un champ de bataille au centre du musée m'avait alors étonnée. Ce fut aussi le cas pour les gamins. Cette fois, elle m'a paru artificielle et décevante, tout comme la présence trop obscure des deux avions. Quant aux vitrines, alignées sur deux nivaux, elles présentent une juxtaposition émouvante d'objets français et allemands placés côte à côte dans une cohabitation définitive et pacifiste. L'exposition temporaire présentait des œuvres d'écrivains et de poètes soldats en 14/18 dont certains sont morts au combat. Nous avons enfin assisté à la projection du film "In Mémoriam" où se mêlent documents d'archives et images contemporaines dans une évocation bouleversante et bien faite avec illustration sonore de documents d'archives et de la marche funèbre d'une quelconque symphonie familière mais dont le nom du compositeur refuse de quitter le bout de ma langue. En lieu et place de générique défile un bilan sinistre de chiffres, dates, blessés, morts, villages détruits… Seule la lourde extrapolation aux conflits contemporains dans laquelle la France est encore engagée m'a parue autant hors sujet que partisane !
Il n'en fut rien.
Premier arrêt au carrefour de la chapelle Sainte Fine ; le lion de Souville y a moins fière allure que son cousin de Belfort. Quelques cyclistes sont passés sur la route, avant de disparaitre dans la brume, s'interpellant joyeusement.
Second arrêt à Fleury-devant-Douaumont, un des villages "mort pour la France". Nième visite. Aussi émouvante que si c'était la première. Difficile de ne pas imaginer les nombreuses fermes avec leur lot de poules et de canards en liberté picorant la boue des usoirs ; l'école avec ses écoliers turbulents regardant la neige tomber à gros flocons derrière les hautes fenêtres ; le curé sonnant l'angélus de midi en tirant sur la grosse corde… Toutes ces images se sont évanouies dans la froidure du vent, ne laissant à notre vue qu'une assez vilaine chapelle au milieu de ruelles fantômes, cabossées, herbeuses, hérissées de vieux épicéas et de quelques arbres fruitiers encore dénudés. À l'exception de quelques pierres éparses, les panonceaux "EXPLOITATION AGRICOLE-BAUERHOF-FARM", "BOULANGER- BÄCKER-BAKER", "TISSERAND-WEBER-WEAVER", "PLOMBIER, KLEMPER-PLUMBER", "ÉCOLE-SCHULE-SCHOOL" y sont les seuls témoins du passé.
Douaumont ensuite.
Toutes ces croix blanches et bien alignées ont rapidement éveillé la vision du champ de bataille dont il reste encore les trous d'obus emplis d'eau, les tranchées qui serpentent mollement entre les épicéas ou les pins, le sol bosselé hérissé çà et là de vieilles ferrailles ou jonché de barbelés rouillés. J'ai alors entrevu l'image de tous ces hommes jeunes dont tout espoir a été stoppé net dans une tranchée boueuse, dans un fort glacial, dans une sape torride, dans un assaut aussi désespéré que fou…
Douaumont n'a pas trop changé depuis mon enfance. Un nouveau monument en hommage aux combattants musulmans a poussé en symétrie du monument à la mémoire des soldats juifs et devant la nécropole, une nouvelle plaque commémore la présence de Mitterrand et Helmut Kohl main dans la main en signe d'une ultime réconciliation, espérée, souhaitée, théâtrale mais néanmoins sincère.
Bref, des pensées confuses tournaient dans ma tête tandis que nous traversions le cimetière pour nous rendre à l'ossuaire. C'est alors que nous avons été interpelés par deux jeunes personnes dans lesquelles nous avons reconnu les deux touristes asiatiques du matin. Ils étaient à pied et voulaient voir un village détruit. Après une brève incursion dans l'ossuaire en travaux où j'ai fait l'acquisition du livre Orages d'acier d'Ernst Jünger qui manquait gravement à ma culture, nous avons conduit jusqu'à Fleury les deux jeunes gens à qui nous avions fixé rendez-vous sur le parking. Ils devaient prendre à la gare de Verdun un train pour Paris. Nous avions largement le temps de visiter le mémorial avant de les y conduire ; n'étions-nous pas venus dans ce but ? J'en avais les quelques souvenirs lointains d'une première visite il y a une vingtaine d'années pour avoir, en tant que parent d'élève, accompagné les enfants de mon village lors d'une sortie scolaire. A* faisait partie du lot. Je m'étais promis de revenir car à l'époque, il était plutôt question de surveiller les gosses que de contempler le contenu des vitrines. Je les découvrais quasiment donc. La reconstitution d'un champ de bataille au centre du musée m'avait alors étonnée. Ce fut aussi le cas pour les gamins. Cette fois, elle m'a paru artificielle et décevante, tout comme la présence trop obscure des deux avions. Quant aux vitrines, alignées sur deux nivaux, elles présentent une juxtaposition émouvante d'objets français et allemands placés côte à côte dans une cohabitation définitive et pacifiste. L'exposition temporaire présentait des œuvres d'écrivains et de poètes soldats en 14/18 dont certains sont morts au combat. Nous avons enfin assisté à la projection du film "In Mémoriam" où se mêlent documents d'archives et images contemporaines dans une évocation bouleversante et bien faite avec illustration sonore de documents d'archives et de la marche funèbre d'une quelconque symphonie familière mais dont le nom du compositeur refuse de quitter le bout de ma langue. En lieu et place de générique défile un bilan sinistre de chiffres, dates, blessés, morts, villages détruits… Seule la lourde extrapolation aux conflits contemporains dans laquelle la France est encore engagée m'a parue autant hors sujet que partisane !
Bonjour,
RépondreSupprimerje viens du forum Lorraine Café et je découvre ton blog avec beaucoup d'intérêt.
Nous sommes allés à Verdun l'été dernier et comme toi, nous avons trouvé ces sites très émouvants. Fleury-devant-Douaumont est particulièrement frappant. On ne peut imaginer en voyant de simples photos ce que l'on ressent en marchant dans "les rues" de ce village.
A bientôt!