C'est pas drôle d'atterrir dans une nouvelle école. T'es tout de suite catalogué comme étant "le nouveau" et tu deviens le point de mire d'une quarantaine de paires d'yeux inquisiteurs. Pire qu'un animal de cirque. Si en plus, tu débarques plusieurs jours après la rentrée, t'es complètement déphasé. Mal dans tes baskets !
C'est ce qui m'est arrivé cette année pour mon entrée en sixième. Papa, fonctionnaire, a été muté dans un poste important d'un grand ministère. On a emménagé à Paris à la mi-octobre dans un appartement au premier étage d'un bâtiment chic. Papa avait essayé de me consoler de mon désespoir à quitter mes habitudes en vantant le caractère haussmannien de l'immeuble, ce dont je me moquais comme de ma première culotte. J'avais fait la rentrée de septembre dans le collège de mon patelin, dans l'est de la France, mais j'avais à peine eu le temps de prendre mes marques qu'il allait me falloir tout recommencer à zéro ! Me repérer dans le dédale d'un bâtiment gigantesque à en être inhumain. M'adapter à de nouveaux profs, et ça, croyez-moi, c'est pas de la tarte aux mirabelles ! Me faire nouveaux copains allait être une tâche difficile, vu ma timidité maladive.
Ainsi, j'ai fait une seconde rentrée, le premier lundi après notre installation dans la capitale.
À la récré, les questions de mes nouveaux camarades de classe ont fusé. Les curieux ont commencé par demander :
"- Hé, l'nouveau, tu viens d'où ?"
Logique comme entrée en matière !
"- De Blâmont, un villach' lorrain. " J'ai répondu, tout fier.
Je ne sais pas pourquoi, ils se sont tous mis à rigoler. Alors j'ai rougi jusqu'aux bouts des oreilles que j'ai très décollées et j'ai emballé mon grand sourire.
Décidé à ne pas me laisser faire… J'allais leur en montrer, à ces peut' gamins, comment c'était bien dans ma campagne.
"- Là-bas, c'est pas comme à Paris. T'es libre comme l'air ! Nem, nem don !"
"- Et… qu'est-ce qu'on fait, le mercredi, dans ton trou ?"
"- D'abord, Blâmont, c'est pas un trou, il y a plus de mille habitants, nem don !"
Ils ont pouffé de rire, mais comme ils n'ont rien ajouté, j'ai pris de l'assurance et j'ai continué :
"- Le mercredi, comme mes parents travaillent, je vais chez mon Pâpiche. J'ai le droit de faire ce que je veux et avec mes copains, on va râouer dans les alentours. Pour sûr, on n'a pas peur de se prendre une grosse châouée sur la tronche. La mâmiche, elle bacâille pas si tu rentres crotté et elle te fait des vaûte pour le goûter… que tu fais pas l'nâreux ! Nem don !"
Un grand maigre avec des lunettes aux verres épais comme des culs de bouteille, sanglé dans un costume qu'on aurait dit un ministre, m'a donné une tape sur l'épaule en me disant d'un air condescendant :
"- Mon pauvre gars ! Va falloir que tu perdes ton accent de la Province si tu veux devenir un vrai parisien !"
Môôôn ! J'ai serré mes poings au fond des poches de mon blouson pour me retenir de lui mettre une beûgne à ce beûloûx. Perdre mon parler lorrain, si beau avec ses accents circonflexes ? Jamais de la vie ! Nem don…
C'est ce qui m'est arrivé cette année pour mon entrée en sixième. Papa, fonctionnaire, a été muté dans un poste important d'un grand ministère. On a emménagé à Paris à la mi-octobre dans un appartement au premier étage d'un bâtiment chic. Papa avait essayé de me consoler de mon désespoir à quitter mes habitudes en vantant le caractère haussmannien de l'immeuble, ce dont je me moquais comme de ma première culotte. J'avais fait la rentrée de septembre dans le collège de mon patelin, dans l'est de la France, mais j'avais à peine eu le temps de prendre mes marques qu'il allait me falloir tout recommencer à zéro ! Me repérer dans le dédale d'un bâtiment gigantesque à en être inhumain. M'adapter à de nouveaux profs, et ça, croyez-moi, c'est pas de la tarte aux mirabelles ! Me faire nouveaux copains allait être une tâche difficile, vu ma timidité maladive.
Ainsi, j'ai fait une seconde rentrée, le premier lundi après notre installation dans la capitale.
À la récré, les questions de mes nouveaux camarades de classe ont fusé. Les curieux ont commencé par demander :
"- Hé, l'nouveau, tu viens d'où ?"
Logique comme entrée en matière !
"- De Blâmont, un villach' lorrain. " J'ai répondu, tout fier.
Je ne sais pas pourquoi, ils se sont tous mis à rigoler. Alors j'ai rougi jusqu'aux bouts des oreilles que j'ai très décollées et j'ai emballé mon grand sourire.
Décidé à ne pas me laisser faire… J'allais leur en montrer, à ces peut' gamins, comment c'était bien dans ma campagne.
"- Là-bas, c'est pas comme à Paris. T'es libre comme l'air ! Nem, nem don !"
"- Et… qu'est-ce qu'on fait, le mercredi, dans ton trou ?"
"- D'abord, Blâmont, c'est pas un trou, il y a plus de mille habitants, nem don !"
Ils ont pouffé de rire, mais comme ils n'ont rien ajouté, j'ai pris de l'assurance et j'ai continué :
"- Le mercredi, comme mes parents travaillent, je vais chez mon Pâpiche. J'ai le droit de faire ce que je veux et avec mes copains, on va râouer dans les alentours. Pour sûr, on n'a pas peur de se prendre une grosse châouée sur la tronche. La mâmiche, elle bacâille pas si tu rentres crotté et elle te fait des vaûte pour le goûter… que tu fais pas l'nâreux ! Nem don !"
Un grand maigre avec des lunettes aux verres épais comme des culs de bouteille, sanglé dans un costume qu'on aurait dit un ministre, m'a donné une tape sur l'épaule en me disant d'un air condescendant :
"- Mon pauvre gars ! Va falloir que tu perdes ton accent de la Province si tu veux devenir un vrai parisien !"
Môôôn ! J'ai serré mes poings au fond des poches de mon blouson pour me retenir de lui mettre une beûgne à ce beûloûx. Perdre mon parler lorrain, si beau avec ses accents circonflexes ? Jamais de la vie ! Nem don…
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