Dimanche 22 février 2009 : Exposition au Musée Lorrain à Nancy...
Actuellement, une petite exposition temporaire présente dans des vitrines du second étage du Palais ducal, quelques objets réalisés par les poilus durant la guerre de 1914-1918. Artisanat dit "de tranchée", mais en réalité, ces objets ont été fabriqués à l'arrière pendant le repos car au front, il n'est pas question d'interrompre une vigilance vitale.
On peut y voir des cannes de tranchées, réalisées pour ne pas glisser dans la boue. Elles sont généralement sculptées de serpents et de têtes d'animaux. Il y a surtout des douilles, en majorité d'obus de 75, transformées artistiquement en vases, sculptées, découpées, torsadées… D'autres objets plus élaborés sont fabriqués avec les bagues décollées des obus, avec les têtes, avec des balles de fusil. Ce sont des crucifix, des boites, des coquetiers, des cadres, des coupe-papier, des bracelets… Il y a aussi des os peints ou sculptés, des éclats d'obus soudés…
C'est avec une certaine tendresse que j'imagine ces hommes ornant soigneusement des morceaux de bois, de cuivre ou d'aluminium, appliqués à transformer en œuvre d'art des objets de mort récoltés çà et là sur les champs de bataille. Fussent-ils français ou allemands !
Une vidéo présente la rêverie émue d'une jeune femme lors d'une vente aux enchères d'objets fabriqués par son aïeul.
Le Milou, mon grand-père n'était pas à proprement parlé un poilu. Ordonnance d'un gradé pour cause de pieds plats, ses fonctions de popotte et d'astique-pompes lui épargnèrent le front. En effet, ce handicap qui ne l'avait jamais perturbé le moins du monde, lui sauva la vie en lui fermant l'accès à l'infanterie. Il serait mort à coup sûr dès les premiers combats comme en témoigne l'hécatombe qui décima son groupe de copains auprès desquels il avait souhaité s'engager. Il n'en fut pas moins victime des gaz, ce qui lui valut la perte définitive de l'odorat mais en compensation, il trouva l'amour de sa belle infirmière qui devint ma grand-mère. Comme il est fier, mon grand-père, dans son costume militaire, à côté de sa Françoise en robe blanche et voile de tulle, le 13 mars 1917, jour de leurs épousailles !
Hélas, que ne lui ai-je davantage demandé de raconter sa guerre, lui qui des années après l'armistice ironisait encore sur l'accent du Nord de quelques camarades d'infortune et dont, cinquante ans plus tard, il était encore capable de citer tous les noms ! Les souvenirs sont partis irrémédiablement avec lui. Je sais simplement qu'il navigua de Craonne à Charmes où il fut blessé. En chemin, il avait pris goût, par ironie du sort, aux pieds de porc de Sainte Menehould !
Fabriqua t-il lui-même ce type d'objets ? J'ignore si les trésors en cuivre qu'il avait fièrement extraits un jour de son grenier étaient ses propres œuvres, mais il nous donna deux douilles d'obus de 75 finement décorées, une douille beaucoup plus grande métamorphosée en porte-parapluie, un coupe papier et d'autres menus objets. Nous ne fûmes pas dignes de sa confiance. Jugés encombrants et inutiles à la veille d'un nième déménagement, ces objets naïfs dont nous sous-estimâmes la valeur et que nous dédaignions furent condamnés à ne pas être du voyage et vendus au poids du cuivre ! Une once de remords dut envahir mes parents qui dissimulèrent ce troc à mon grand-père. J'étais trop jeune alors pour m'en être émue.
Seule, une assiette au décor martelé d'une touchante sobriété a échappé au désastre. Je la conserve précieusement telle une relique, avec l'immense regret qu'elle soit l'unique vestige d'un précieux butin. C'est sans doute sa rusticité qui l'a sauvée. Mon grand-père dissimula mal son émotion le jour où il devina le peu de cas que nous avions fait de ses souvenirs. Mais je puis affirmer que j'ai alors compris qu'il en avait éprouvé un réel grand chagrin.
Actuellement, une petite exposition temporaire présente dans des vitrines du second étage du Palais ducal, quelques objets réalisés par les poilus durant la guerre de 1914-1918. Artisanat dit "de tranchée", mais en réalité, ces objets ont été fabriqués à l'arrière pendant le repos car au front, il n'est pas question d'interrompre une vigilance vitale.
On peut y voir des cannes de tranchées, réalisées pour ne pas glisser dans la boue. Elles sont généralement sculptées de serpents et de têtes d'animaux. Il y a surtout des douilles, en majorité d'obus de 75, transformées artistiquement en vases, sculptées, découpées, torsadées… D'autres objets plus élaborés sont fabriqués avec les bagues décollées des obus, avec les têtes, avec des balles de fusil. Ce sont des crucifix, des boites, des coquetiers, des cadres, des coupe-papier, des bracelets… Il y a aussi des os peints ou sculptés, des éclats d'obus soudés…
C'est avec une certaine tendresse que j'imagine ces hommes ornant soigneusement des morceaux de bois, de cuivre ou d'aluminium, appliqués à transformer en œuvre d'art des objets de mort récoltés çà et là sur les champs de bataille. Fussent-ils français ou allemands !
Une vidéo présente la rêverie émue d'une jeune femme lors d'une vente aux enchères d'objets fabriqués par son aïeul.
Le Milou, mon grand-père n'était pas à proprement parlé un poilu. Ordonnance d'un gradé pour cause de pieds plats, ses fonctions de popotte et d'astique-pompes lui épargnèrent le front. En effet, ce handicap qui ne l'avait jamais perturbé le moins du monde, lui sauva la vie en lui fermant l'accès à l'infanterie. Il serait mort à coup sûr dès les premiers combats comme en témoigne l'hécatombe qui décima son groupe de copains auprès desquels il avait souhaité s'engager. Il n'en fut pas moins victime des gaz, ce qui lui valut la perte définitive de l'odorat mais en compensation, il trouva l'amour de sa belle infirmière qui devint ma grand-mère. Comme il est fier, mon grand-père, dans son costume militaire, à côté de sa Françoise en robe blanche et voile de tulle, le 13 mars 1917, jour de leurs épousailles !
Hélas, que ne lui ai-je davantage demandé de raconter sa guerre, lui qui des années après l'armistice ironisait encore sur l'accent du Nord de quelques camarades d'infortune et dont, cinquante ans plus tard, il était encore capable de citer tous les noms ! Les souvenirs sont partis irrémédiablement avec lui. Je sais simplement qu'il navigua de Craonne à Charmes où il fut blessé. En chemin, il avait pris goût, par ironie du sort, aux pieds de porc de Sainte Menehould !
Fabriqua t-il lui-même ce type d'objets ? J'ignore si les trésors en cuivre qu'il avait fièrement extraits un jour de son grenier étaient ses propres œuvres, mais il nous donna deux douilles d'obus de 75 finement décorées, une douille beaucoup plus grande métamorphosée en porte-parapluie, un coupe papier et d'autres menus objets. Nous ne fûmes pas dignes de sa confiance. Jugés encombrants et inutiles à la veille d'un nième déménagement, ces objets naïfs dont nous sous-estimâmes la valeur et que nous dédaignions furent condamnés à ne pas être du voyage et vendus au poids du cuivre ! Une once de remords dut envahir mes parents qui dissimulèrent ce troc à mon grand-père. J'étais trop jeune alors pour m'en être émue.
Seule, une assiette au décor martelé d'une touchante sobriété a échappé au désastre. Je la conserve précieusement telle une relique, avec l'immense regret qu'elle soit l'unique vestige d'un précieux butin. C'est sans doute sa rusticité qui l'a sauvée. Mon grand-père dissimula mal son émotion le jour où il devina le peu de cas que nous avions fait de ses souvenirs. Mais je puis affirmer que j'ai alors compris qu'il en avait éprouvé un réel grand chagrin.
je vois que tu es allée la voir cette exposition. Sans cette neige si agréable pour les enfants nous y serions allés aussi!
RépondreSupprimerAs-tu vu des objets qui ressemblaient à ceux du musée du Dom'?
E
Assez différents, en fait...
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