Entre Batilly et Amanvillers, la voie ferrée traverse le plateau calcaire. Nous sommes en plein territoire minier. D'ailleurs chez nous, on entend parfois le grondement sourd de l'exploitation d'une galerie sous nos pieds ce qui fait dire à Papa qui ne manque pas d'humour que "si on n'a jamais créé un tribunal à Amanvillers, c'est parce qu'on ne peut pas juger les gens sur la mine !" Moi, j'imagine avec effroi les mineurs sous mes pieds, creusant avec leur pioche pour extraire la minette !
La voie ferrée quitte le plateau dès la sortie d'Amanvillers. Après avoir longé l'ancien quai de chargement d'une vieille carrière édifié en belles pierres de taille, elle s'engouffre dans la charmante vallée de Montvaux, boisée et encaissée, permettant de dévaler un peu plus de cent mètres de dénivelé pour atteindre la plaine où Metz s'étale le long de la Moselle comme une reine couronnée de sa cathédrale. Je somnole sous l'effet de la chaleur qui règne dans le wagon. La buée sur les fenêtres voile le paysage qui émerge lentement dans l'aube bleutée. Je suis bercée par le brouhaha diffus des conversations des passagers se racontant leur week-end, le film qu'ils ont vu la veille sur l'une des deux chaînes de télévision ou commentant la rumeur selon laquelle la ligne Batilly-Metz serait remplacée prochainement par un service d'autocars.
La forêt se fait soudain moins dense. Nous longeons un petit étang. La micheline ralentit puis marque son premier arrêt. La gare et le village Châtel-Saint-Germain sont situés sur la droite. Quelques femmes travaillant dans la fabrique de pâtes Zambetti descendent ici et, en été, des saisonniers ramasseurs de fraises. Quelques places assises sont ainsi libérées pour les nouveaux venus. Le paysage est ensuite plus urbain. Des maisons et des jardins paisibles au pied du mont Saint Quentin, dont les pentes viennent mourir le long du ballast, défilent lentement derrière les fenêtres, baies dont on peut ouvrir la partie supérieure en été en la coulissant vers les bas, permettant l'entrée d'un peu d'air frais.
Les passagers qui montent à Moulins/Scy-Chazelles puis à Longeville doivent se contenter de voyager debout. Ces deux petites gares ressemblent à s'y méprendre à celles d'Amanvillers et de Châtel, distinguables seulement par leur nom qui s'étale en lettres blanches sur une enseigne émaillée de couleur bleue. La même côté rue et côté quai. À Longeville, quelques véhicules attendent la levée des barrières du passage à niveau sur la route nationale 3, voie de la Liberté venant de Verdun. Après cette dernière halte, la voie ferrée décrit une large courbe vers la droite.
A cet endroit, nous rejoignons la ligne électrifiée à deux voies qui contourne Metz par l'ouest. C'est en sa compagnie que nous traversons côte à côte la Moselle sur un grand pont de pierre au parapet de béton ajouré. Avec un peu de chance, il est possible parfois de voir passer en contrebas quelque péniche chargée de céréales, de sable ou de ferraille. Les trois voies parallèles se faufilent ensuite entre les arches d'un pont métallique permettant de franchir un bras plus étroit de la rivière. Une courbe ample vers la gauche nous fait pénétrer dans l'agglomération messine que nous abordons à vitesse réduite. Notre voie abandonne ses voisines en les franchissant par un saut de mouton pour rejoindre la gauche, se perd parmi d'autres voies, longe la gare de triage du Sablon. J'aperçois sous mes yeux endormis, ici une rotonde, là un gazomètre, plus loin, un poste d'aiguillage... On peut voir des trains de marchandises, convois hétérogènes composés de wagons en bois, de trémies, de plateaux vides ou bâchés, de wagons chargés de voitures neuves... Une grosse locomotive diesel verte et jaune passe solitaire, une autre pousse sur un plan incliné un wagon marchandise qui glisse, seul, pour former un convoi avec d'autres wagons qu'il rejoint en contrebas. Des ouvriers travaillent sur le ballast. Les essieux grincent au passage des embranchements. La micheline ondule alors bruyamment, secoue ses passagers somnolents comme pour leur signaler que l'arrivée est imminente. Un express nous double, filant sur une voie électrifiée. Le Sablon est un vaste théâtre dont le spectacle fascinant me tire de ma torpeur.
7 heures 15. L'arrivée en gare de Metz se fait tout en douceur et la micheline s'arrête sous la grande marquise.
"- Metz - Metz - Ici Metz ! Tous les passagers descendent de voiture ! Correspondances pour... "
L'annonce à peine audible dans les haut-parleurs se perd en résonnant sourdement sous la voûte ! Les voyageurs qui doivent prendre un bus de ville se hâtent pour sortir les premiers. Pour ma part, je ne suis pas pressée de me retrouver dans le courant d'air qui s'engouffre sous la verrière. Sur le même quai, un autre train vient juste de s'arrêter et crache son flot de voyageurs venant du nord de Metz. Tout le monde se précipite dans l'escalier et se retrouve dans le sombre et large souterrain, véritable fleuve où confluent les passagers d'autres trains. A l'extrémité, les contrôleurs dans leur guérite vitrée collectent les billets ou vérifient les cartes avec attention, créant un énorme bouchon. Je suis enfin dehors à l'air libre après avoir traversé le hall d'arrivée sur lequel je ne jette qu'un regard distrait ! Il fait jour maintenant. L'air est vif dans le petit matin et sur la place venteuse, je prends le temps de remonter la fermeture éclair de ma parka. Sur le trottoir, m'attend une amie venue de Woippy. Nous traversons ensemble le quartier impérial, contournant la poste centrale d'un côté ou de l'autre suivant notre humeur, pour nous rendre au lycée de filles, place Maud'huy, où nous sommes autorisées à entrer avant les autres élèves. Une salle mise à notre disposition nous permet de réviser les leçons du jour, de terminer un devoir ou de partager le dernier Astérix. Auparavant, nous avons fait une étape à la boulangerie de l'avenue Leclerc où un "Schnecke" exquis complète le petit déjeuner un peu trop léger que j'ai avalé avant de partir.
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