C'était il y a bien longtemps. À une époque où l'idée de domestiquer un animal commençait à peine à naître dans l'esprit de l'Homme.
Les femmes étaient blotties les unes contre les autres autour d'un grand feu qui projetait leurs ombres inquiétantes et mouvantes sur les parois du repaire. Non loin, dans un coin sombre, les petits dormaient sur un lit de fougères sèches, enroulés dans des peaux douces et laineuses. Un des chiens de la meute se mit à gronder. Les autres se contentèrent de lever une oreille inquiète. Les hommes les avaient acceptés parmi eux, par accord tacite, depuis qu'ils montaient une garde vigilante, protégeant ainsi la tribu d'attaques soudaines. Ils se satisfaisaient en échange des bas-morceaux de gibier qui leur étaient lancés et pour lesquels soit ils se battaient, l'un mordant à sang tout concurrent visant le même os, soit attendaient leur tour avec soumission. Certains, plus dociles que les autres, autorisaient qu'une main caressante s'attarde dans leur épaisse fourrure. On donnait à ceux-là un nom auquel ils répondaient en s'approchant avec docilité vers celui qui le prononçait.
Parfois, on voyait rôder des chats dans le voisinage. C'était de belles bêtes au pelage ocellé, à la queue touffue, aux yeux luisants de mystère, ne sortant que la nuit. Les hommes avaient commencé à les chasser pour leur fourrure chaude et légère. Farouches, ils s'éloignaient sans bruit à la moindre alerte, au moindre bruit, à la moindre ombre en mouvement. Seuls, des pièges astucieux permettaient de les capturer, plus généralement morts que vifs : on les craignait.
Le chien qui avait grogné - une petite bête rousse et musclée - se leva brusquement et se mit à courir à la poursuite d'une silhouette qui s'était introduite furtivement, s'approchant de la couche des enfants. Il y eut un feulement sauvage et prolongé. L'animal traqué ne put éviter le feu. Son pelage s'embrasa et les flammes se propagèrent à la couche de fougère qui servait de paillasse aux petits des hommes.
Quand les femmes eurent maitrisé l'incendie en l'étouffant avec les grandes peaux sur lesquelles elles étaient assises, elles ne purent que constater le drame : une créature féline carbonisée gisait au milieu des corps inertes de leurs petits.
On raconta la macabre histoire aux hommes à leur retour, puis aux autres qu'on rencontrait dans la forêt. Avec de grands gestes. Avec des grognements. Avec des mots. D'année en année. De siècle en siècle.
L'animal carbonisé se transforma bientôt en chat noir et le christianisme en fit une image diabolique : diable et feu convergent dans la vision de l'enfer.
C'est depuis ce temps bien lointain qu'on redoute de croiser un chat noir, qu'il surgisse de la gauche ou de la droite : vade retro, Satana !
Les femmes étaient blotties les unes contre les autres autour d'un grand feu qui projetait leurs ombres inquiétantes et mouvantes sur les parois du repaire. Non loin, dans un coin sombre, les petits dormaient sur un lit de fougères sèches, enroulés dans des peaux douces et laineuses. Un des chiens de la meute se mit à gronder. Les autres se contentèrent de lever une oreille inquiète. Les hommes les avaient acceptés parmi eux, par accord tacite, depuis qu'ils montaient une garde vigilante, protégeant ainsi la tribu d'attaques soudaines. Ils se satisfaisaient en échange des bas-morceaux de gibier qui leur étaient lancés et pour lesquels soit ils se battaient, l'un mordant à sang tout concurrent visant le même os, soit attendaient leur tour avec soumission. Certains, plus dociles que les autres, autorisaient qu'une main caressante s'attarde dans leur épaisse fourrure. On donnait à ceux-là un nom auquel ils répondaient en s'approchant avec docilité vers celui qui le prononçait.
Parfois, on voyait rôder des chats dans le voisinage. C'était de belles bêtes au pelage ocellé, à la queue touffue, aux yeux luisants de mystère, ne sortant que la nuit. Les hommes avaient commencé à les chasser pour leur fourrure chaude et légère. Farouches, ils s'éloignaient sans bruit à la moindre alerte, au moindre bruit, à la moindre ombre en mouvement. Seuls, des pièges astucieux permettaient de les capturer, plus généralement morts que vifs : on les craignait.
Le chien qui avait grogné - une petite bête rousse et musclée - se leva brusquement et se mit à courir à la poursuite d'une silhouette qui s'était introduite furtivement, s'approchant de la couche des enfants. Il y eut un feulement sauvage et prolongé. L'animal traqué ne put éviter le feu. Son pelage s'embrasa et les flammes se propagèrent à la couche de fougère qui servait de paillasse aux petits des hommes.
Quand les femmes eurent maitrisé l'incendie en l'étouffant avec les grandes peaux sur lesquelles elles étaient assises, elles ne purent que constater le drame : une créature féline carbonisée gisait au milieu des corps inertes de leurs petits.
On raconta la macabre histoire aux hommes à leur retour, puis aux autres qu'on rencontrait dans la forêt. Avec de grands gestes. Avec des grognements. Avec des mots. D'année en année. De siècle en siècle.
L'animal carbonisé se transforma bientôt en chat noir et le christianisme en fit une image diabolique : diable et feu convergent dans la vision de l'enfer.
C'est depuis ce temps bien lointain qu'on redoute de croiser un chat noir, qu'il surgisse de la gauche ou de la droite : vade retro, Satana !
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