– Pas si vite Tom, je n'arrive pas à te suivre !
Le garçon allait bon train sur sa trottinette, slalomant entre les passants qui, offusqués, se plaignaient que de nos jours, ils n'étaient plus en sécurité sur les trottoirs, que les jeunes d'aujourd'hui…
– Je t'attends à l'entrée du jardin, M'man, lança-t-il en se retournant, au risque de heurter quelqu'un.
Elle arriva peu après lui, passablement essoufflée.
– Tu sais que c'est dangereux, ce que tu fais. De toute façon, tu as été obligé de m'attendre. Et puis, ton bolide, faudra l'attacher à un lampadaire, vu qu'il est interdit à l'intérieur.
– Ah ! répondit l'enfant, dépité. On n'a même pu le droit de faire c'qu'on veut !
– C'est comme ça et pas autrement. Je t'avais prévenu, mais tu ne m'écoutes jamais.
Grognon, Tom s'exécuta, mais oublia sa contrariété dès qu'il eut franchi la pergola de bois sous laquelle il fallait passer pour entrer.
– Waouh ! c'est trop beau…
Le lieu était effectivement splendide. Liquidambars et bouleaux bordaient les allées. Dans un bassin entouré de papyrus, des poissons exotiques nageaient paisiblement. L'eau sortait d'une rangée d'arrosoirs, faisant office de fontaines. Des jardiniers, vêtus de longs tabliers à poche ventrale, coiffés de chapeaux de paille pour se protéger d'un soleil encore ardent malgré la saison tardive, coupaient les fleurs fanées, taillaient çà et là une branche qui se dérobait à l'ordre imposé. Ils veillaient surtout à ce que personne ne marche sur les pelouses, n'écrase les plantations. Les visiteurs étaient nombreux ce dimanche. Certains photographiaient à tout-va. D'autres faisaient des selfies devant la statue du duc entourée de fleurs exotiques multicolores. Quelques personnes lézardaient dans les transats géants. Des intellectuels s'étaient installés dans les bancs estampillés aux noms d'auteurs célèbres, et lisaient, indifférents aux gens qui passaient devant eux.
– On peut s'asseoir là ? demanda Tom en montrant du doigt une grande table en pin brut autour de laquelle des chaises rustiques étaient mises à disposition du public.
Sans attendre la réponse de sa maman, il prit place devant un énorme bouquet de fleurs odorantes plantées dans une grande vasque de mousse. Les fleurs exhalaient un délicat arôme de vanille, tout comme la crème glacée que dégustait une gamine de son âge, installée juste à côté de lui.
– J'en veux une… moi aussi.
– Le roi dit nous voulons, rétorqua maman, faisant mine d'être fâchée.
– S'il te plaît, M'man…
– Espèce d'enfant gâté ! On ne peut rien te refuser. Attends-moi sagement ici, je n'en ai pas pour longtemps.
Le gamin profita de l'absence de sa mère pour entamer la conversation avec la fillette. Celle-ci s'appelait Capucine. Tom ironisa que, fleur parmi les fleurs, elle finirait par faner. Il se hasarda à cueillir discrètement un dahlia pour l'offrir à Capucine.
– C'est joli aussi, Dahlia, pour une fille.
– Sauf que si je me fais gauler par un jardinier, c'est moi qui serai punie, répondit-elle en cachant la fleur dans sa poche.
– T'auras qu'à dire que c'est un cadeau de ton amoureux ! Ces hommes-là sont de grands romantiques !
Maman revint avec une gaufre débordant de chantilly pour elle et un cornet double pour Tom.
– À ton avis, je t'ai choisi quels parfums ?
Il hésita entre pistache, fraise, noix de coco, mais ne devina pas le chocolat et la mirabelle.
– C'est dommage de devoir finir par le cornet. Moi, je préférerais le contraire, pour rester sur le goût de la glace.
L'après-midi s'achevait, Capucine et son père avaient quitté leurs sièges, la foule se dispersait petit à petit. L'ombre des bâtiments voisins s'étendait et la fraîcheur commençait à tomber. Il était temps de partir.
– Dis, M'man, on reviendra demain, après l'école ?
– Non, mon petit, demain, le parc fermera définitivement ses portes. Le jardin éphémère de la place Stanislas ne dure chaque année que pendant un mois, ensuite, il est démonté. Je suis sûre que celui de l'année prochaine sera encore plus beau.
Nouvelle écrite sur le thème "éphémère" du printemps des poètes 2022.
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